Le leadership conscient a de l’avenir

Il y a plusieurs années, Grégory Pouy a troqué ses habits de marketeur pour se lancer dans un rôle multi-casquettes afin d’aider les gens à être plus sereins dans un monde chaotique, à montrer que d’autres modèles sont possibles. Conférencier, formateur, écrivain, blogueur et podcasteur (avec notamment les excellents entretiens dans Vlan ! Leadership), il ne ménage pas ses efforts pour encourager un leadership conscient, plus en phase avec les enjeux d’aujourd’hui et de demain.
En quête de mieux
Avec modestie, j’espère contribuer à mon échelle à la prise de conscience de l’importance d’agir en lien avec la Nature. Je vois la réalité du système, du sens même de l’existence des entreprises. Je ne prône pas la fin de ce monde. Néanmoins, je constate aussi que les curseurs ont été poussés à leur maximum et qu’il est nécessaire de se reconnecter à des valeurs plus responsables, socialement et écologiquement. Les chefs d’entreprise ne sont pas des humains différents des autres. Ils ont aussi une volonté de « mieux », de trouver du sens et de sortir de l’inertie. J’essaie de les accompagner dans cette évolution en appuyant notamment sur la question de robustesse, qui leur parle forcément.
Accompagner le changement d’époque
Lors de mes conférences et autres rencontres avec des managers, je débute en mettant en exergue le fait que nous sommes en train de changer d’époque, très profondément, avec de nombreux impacts sur les humains, la planète… Pour évoluer dans ce contexte, nous devons être capables de déconstruire les croyances, souvent bien ancrées. C’est le cas par exemple avec la considération que le succès par accumulation est la seule voie possible. Ensuite, j’aborde la question des valeurs, avec un travail d’introspection qui est nécessaire pour voir ce qui compte vraiment. Dès lors, j’explique que pour être robustes demain, il faut être en mesure de changer en s’appuyant sur ce que l’on connaît. Je donne des exemples concrets, de bon sens : notre corps, les arbres, qui sont un tout résilient… Autant d’éléments rassurants qui nous ramènent à l’essentiel, à un leadership conscient, vecteur de bien-être, reposant sur le « care » dans toutes ses dimensions : physique, psychique, sociale et environnementale. Ce n’est donc plus l’économie, la rentabilité, la performance, qui guident les pas du dirigeant. Cette nouvelle posture implique de faire vraiment confiance aux autres, d’agir en connexion avec les humains et la Nature.
Otium : un mot à réhabiliter
Lors de mes recherches, nourries par de nombreuses conversations avec des dirigeants, j’ai découvert l’otium, mis en avant par le sociologue et historien Jean-Miguel Pire. Ce mot latin désigne le loisir intelligent, la chose la plus importante qu’un humain puisse faire. C’est le temps qu’on prend pour observer le monde, pour prendre du recul, réfléchir, imaginer… Ce mot a depuis été oublié de notre vocabulaire et il est difficile de se le représenter. En revanche, nous avons conservé son opposé : negotium, dont le sens est « occupations », avec le mot negoce. Il est par ailleurs amusant de se dire que le mot école, « school », vient du terme otium, ou skholé en grec, alors qu’il s’agit parfois d’un lieu où la performance est attendue, là où cet espace est supposé dédié à l’otium. Cette notion d’otium, de fait insuffisamment valorisée aujourd’hui, est au cœur de la quête de sens que les dirigeants doivent saisir.
Un enjeu qui nous dépasse ?
Même si j’ai conscience de ne pas pouvoir changer la marche du monde, ce n’est pas une raison pour ne rien faire. En essayant de moduler mon discours pour rester audible, je m’adresse aux entreprises qui sont au cœur de la problématique puisqu’aucune n’est régénératrice. En revanche, elles peuvent être davantage en harmonie avec la nature du moment où les décideurs prennent de la hauteur, en envisageant leurs actions au-delà des palliatifs et du seul objectif du bilan carbone. En repensant l’organisation de l’entreprise, en donnant de l’autonomie aux salariés, en étant dans l’écoute et la recherche de consensus, les managers sont dans le vrai.