Les salariés et leur entreprise : une histoire de (dés)amour ?
65% des salariés se disent attachés à leur entreprise – une forte érosion par rapport à 1993…
Les résultats de la seconde édition du Baromètre Le Figaro Emploi-Ifop révèlent un détachement croissant des salariés pour leur entreprise. Une véritable vague qui n’a fait qu’enfler au cours des trois dernières décennies. Évolution du rapport au travail, recherche de sens, rigueur des politiques salariales, dictature du pouvoir d’achat… Bien des facteurs expliquent l’émergence d’une forme de désamour entre les collaborateurs et leur emploi… Décryptage.
Le Figaro Emploi, en partenariat avec l’Ifop, s’est intéressé, à l’automne 2023, aux rapports que les salariés entretiennent avec leur entreprise. Cette enquête, menée auprès de 1000 travailleurs visait à évaluer leur satisfaction au travail, ainsi que leurs perspectives d’avenir, en particulier face à la montée en puissance de l’intelligence artificielle. Les premiers indicateurs révélés par cette étude sont plutôt encourageants. Ainsi, comparativement à 2022, le niveau de satisfaction des salariés demeure élevé, avec 75% d’entre eux se déclarant heureux de leur situation professionnelle. 14% des répondants se disant même « très satisfaits ». Et pourtant… une autre tendance, plus inquiétante, émerge. Ainsi, 45% des salariés considèrent, en 2023, ne travailler que pour l’argent. Un chiffre qui ne dépassait pas 38% en 1993, soit une hausse de 7 points ! La conséquence de cette vision « utilitariste » du travail ? Un certain détachement des collaborateurs pour l’entreprise. Si 65% des salariés affirment toujours être attachés à leur employeur, ce chiffre était de 81% en 1993, soit une baisse de 16 points en une trentaine d’années. Une réalité qui soulève une interrogation cruciale : comment faire pour endiguer ce phénomène et éviter que ce détachement ne confine à un désamour plus irréversible.
Des attentes toujours plus fortes des salariés
Commentant les résultats de l’étude à l’occasion d’un webinaire, Carole Ferté, Directrice des études de Figaro Emploi observe : « En prenant du recul, on note que le rapport au travail a fortement changé sur les 30 dernières années ; nous passons progressivement du « vivre pour travailler » au « travailler pour vivre » . Comme un écho à la quête de sens qui s’est imposée dans les mentalités depuis la crise sanitaire, il est donc capital, pour renforcer les liens entre l’entreprise et ses collaborateurs, de créer ou recréer un sentiment d’attachement ou d’appartenance à un collectif en fédérant les énergies et les ambitions autour d’objectifs plus grands, plus nobles et surtout plus inspirants. Au-delà du sens et de la force des ambitions, ce détachement des collaborateurs pour leurs entreprises adresse un autre message : celui de la nécessité de renforcer les relations humaines au sein des organisations. Des relations humaines qui peuvent parfois être mises à mal dans un contexte de tensions économiques (liées à une inflation généralisée et à une hausse des taux d’intérêt) ou au développement des organisations hybrides.
Offrir des réelles perspectives d’évolution de carrière
« Nul n’est prophète en son pays » dit l’adage populaire… Un adage si profondément ancré dans l’inconscient collectif des entreprises, que les évolutions professionnelles ne s’envisagent bien souvent, que par le biais de la mobilité inter-entreprise. Une réalité que confirme une étude menée conjointement par l’Insee et la Dares qui révèle une augmentation notable de la mobilité des travailleurs en CDD et CDI. Ainsi, en 2022, 11,3 % des salariés ont choisi de quitter leur entreprise, dépassant ainsi les chiffres d’avant la crise sanitaire. Les auteurs du rapport soulignent par ailleurs que « 9,7 % des salariés de 2021 ont évolué vers une autre entreprise du secteur privé, soit 2,4 points de plus que les salariés de 2018 ». L’enjeu ? Faire en sorte que les salariés cessent de penser que l’évolution de leur carrière ne peut être significative qu’en changeant d’entreprise. Pour y parvenir, plusieurs leviers peuvent être actionnés : faire de la montée en compétences un axe prioritaire de la rétention des collaborateurs ou encore repenser les politiques de rémunération… « Certes, la notion d’argent est de plus en plus importante, mais les entreprises ne pourront pas toutes augmenter les salaires. Pour attirer et fidéliser, elles peuvent toutefois travailler et communiquer sur leur marque employeur », indique Carole Ferté.
Un appel au management de transition ?
Ressusciter l’attachement des salariés pour leur entreprise ; recréer un lien qui se distend. Face à ce double enjeu, le management de transition apporte des réponses spécifiques. Parce que le manager de transition apporte un œil neuf, libéré des héritages d’un passé parfois fait de tensions ou d’incompréhensions ; parce que le manager de transition n’aspire qu’à la réussite de sa mission, et n’a pas d’autre ambition pour l’avenir, il contribue à apaiser les relations. Cette approche, lorsqu’elle est en outre inspirée par l’éthique du care permet de resserrer les liens entre les équipes et l’entreprise et ainsi, de s’affranchir des difficultés de recrutement qui affectent une majorité d’organisations. Un bien-être devenu central pour de nombreuses organisations qui peuvent même s’appuyer sur un indicateur : l’IBET, conçu par Mozart Consulting qui estimait, dans une étude récente, le coût du désengagement en France à 13250€/an par salarié. Le management par le care constitue indubitablement une voie à explorer. Cette approche met l’accent sur le bien-être des employés et la qualité des relations au sein de l’organisation. Inspiré par l’éthique du care, ce concept repose sur un principe : le management doit aller au-delà de la simple maximisation des profits pour prendre en compte les besoins émotionnels, sociaux et psychologiques des individus. Favorisant un environnement de travail où la confiance, la collaboration et la reconnaissance sont privilégiées, les managers y jouent un rôle central. En mettant l’accent sur les relations humaines, l’empathie et le souci de l’autre, le management par le care cherche à favoriser un climat organisationnel où chacun se sent écouté, respecté et soutenu.
Préserver la santé mentale des collaborateurs, écrire ensemble la page d’un lendemain inspirant, construire un lien durable et rassurant… autant d’impératifs qui conditionnent l’avenir de la performance de l’entreprise.