Tribune CAHRA – Le management de l’incertitude
L’incertitude deviendrait-elle la seule certitude ? par Steven POINOT, Directeur Général de CAHRA et Baptiste CANAZZI, Directeur Général de NOETIC BEES
Dans un monde en mouvement constant : fluctuations économiques, avancées technologiques, revirements politiques, revendications sociétales… l’incertitude deviendrait-elle la seule certitude ?
La vie se ressent, parfois, comme une somme de changements nous poussant, au-delà de suivre la trajectoire que nous nous sommes fixés, à être dans un mouvement permanent.
Ces changements, bien que parfois prévisibles, peuvent également se produire de façon inattendue. Ils sont rapides et obligent chacun de nous, dans certaines situations, à repenser et structurer nos modes de fonctionnement. Il semblerait alors contre-productif de chercher à éviter ces changements qui finiront de toute façon par s’imposer (voir notre article sur la conduite du changement).
À l’échelle d’une organisation, les effets de ces changements peuvent être amplifiés, l’incertitude s’intensifiant, en partie, à mesure que les problématiques se complexifient. Ceci provoquant, selon notre façon d’appréhender ces changements, des situations d’inconfort mais aussi des opportunités à saisir.
Le management : l’une des réponses aux évolutions de notre monde ?
Le monde dans lequel nous vivons nous invite à penser qu’il serait illusoire de croire que les organisations peuvent fonctionner sans transition, sans changement, sans évolution alors que le meilleur moment pour se transformer est souvent au cœur d’un climat d’incertitude.
Le management devient alors un moyen, si ce n’est peut-être le meilleur moyen, d’y parvenir.
Mais, manager l’incertitude pose la question du « pouvoir d’agir » : lequel de nos savoirs, théorique ou pratique, peut nous permettre de résoudre des situations d’incertitude ?
Dans un monde au conditionnel, avec des conditions qui semblent évoluer en permanence, il nous est souvent rappelé que notre savoir théorique, qui est fondamentalement basé sur le passé, sur ce qui a déjà été appris et vécu, ne suffit plus, à lui seul, pour s’adapter à la discontinuité qui, par essence, sort du cadre.
Le savoir pratique, qui a tendance à considérer l’existant comme vérité et qui fait confiance au collectif peut être un atout pour être apte à faire face, non sans crainte, à des situations d’incertitude.
Entre le théorique et la pratique, faut-il trouver un juste milieu ?
Le contexte d’incertitude est un contexte multifactoriel : il faut faire preuve d’adaptation et de discernement pour s’adapter stratégiquement et techniquement.
Exercer le pouvoir d’une manière qui expose au changement personnel peut susciter un changement volontaire chez les autres plutôt que l’obéissance ou la résistance.
Rester éveillé, avoir la volonté de toujours mieux discerner dans la complexité favorise la transformation de l’incertitude en opportunité.
Engager un climat bienveillant, prendre en considération l’unicité humaine, privilégier la co-construction rassemble pour se projeter vers l’avenir.
S’appuyer sur des repères : les bonnes méthodes, les bons outils, le bon cadre, sans les considérer comme définitifs, constitue un appui pour être performant.
Souvent, il est pertinent de faire un pas de côté pour prendre du recul, se poser les bonnes questions, se mettre en mouvement, placer le curseur d’implication du collectif au juste niveau. Car, lorsque le contexte n’est plus incertain mais chaotique, les dynamiques collectives peuvent parfois s’avérer être nocives.
Cette capacité de questionnement, de clarification, de discernement va permettre de poser des hypothèses de travail, de repenser et structurer les modes de fonctionnement, de les tester.
Une agilité qui repose à la fois sur le savoir théorique du collectif ainsi que sur la posture adaptative du leader, qui grâce à son savoir pratique, est en capacité de mettre en mouvement le collectif.
L’humain, au cœur de tous les processus
L’aptitude au changement représente certainement la clé du management de demain, la faculté à se mouvoir dans un monde au conditionnel, à engager ses capacités cognitives, à utiliser son intelligence émotionnelle et à faire confiance aux systèmes et à celles et ceux qui les composent.
Cette dimension adaptative, résolument humaine puisqu’incarnée par le management, va à contre-courant des aspirations privilégiant les technologies comme la clé de voûte de no(s) futur(s). Des technologies, elles-mêmes déjà créatrices de situations d’incertitudes qui ne peuvent être résolues qu’en adoptant une approche s’appuyant sur nos savoirs théoriques et aussi, pratiques.
Mais notre monde nous réserve probablement de nouvelles surprises… Une chose est certaine : nos certitudes ne sont pas figées.